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Dialogue social : 100% des gagnants ont parié sur l’anticipation

Par Brigitte WARTELLE

l’ANI (Accord National Interprofessionnel) de 2013 et la LES (Loi de Sécurisation de l’Emploi) ont introduit une nouvelle consultation censée donner une dimension stratégique au dialogue social. De nouveaux outils et procédures d’information-consultation (ICOS) ont été créés : mise en place d’une information-consultation sur les orientations stratégiques et leurs conséquences sociales (incluant la GPEC) et d’une base de données économiques et sociales (BDES) pour nourrir ces consultations.

Cette loi pouvait permettre d’ouvrir de nouveaux modes de dialogue entre les partenaires sociaux, plus tournés vers le partage d’informations sur l’entreprise et son environnement, le débat sur les conséquences potentielles organisationnelles et stratégiques, à court ou moyen terme, de ces tendances et évolutions et la réflexion autour de propositions alternatives.

Mais la mise en œuvre de ces nouveaux modes d’info consult peine à trouver ses marques, et sa logique est essentiellement organisée autour de la réduction de l’asymétrie d’information sur les orientations de l’entreprise.

Cette loi a voulu faire passer un cap dans la disponibilité des informations mais il semble qu’elle est encore loin d’une volonté d’anticipation et de dialogue sur les futurs possibles.

Il est vrai qu’anticiper n’est pas si simple. Au travers de notre expérience dans le domaine plusieurs arguments peuvent être évoqués, a priori, et induire une forme de réticence :

« Cela fait perdre du temps ! »

Au commencement, oui mais au final, non. Un tout petit exemple vécu :

Dans cette entreprise, lorsque le management accepte d’ouvrir un dialogue avec les organisations syndicales et les salariés pour anticiper les conséquences de la mise en place d’un projet d’organisation, son premier réflexe est de pointer la chronophagie d’un tel processus (en préparation des modes d’expression, en réunions, en temps de réponses, en analyses de propositions, …), temps qui s’ajoutera aux modalités de consultation légales.

Pourtant à la fin, le management reconnait que l’organisation proposée a été « débuggée », les salariés sont satisfaits d’avoir été écoutés, et même entendus sur certaines remarques et ajustements, les représentants du personnel et les organisations syndicales ont le sentiment d’avoir pu jouer leur rôle d’acteur d’un vrai dialogue permettant non pas d’entériner dans les canons de la beauté procédurale mais d’avoir dialoguer et pu trouver des espaces pour faire évoluer la position initiale.

Au-delà de cet exemple, il est certain que parler de l’évolution du monde environnant prend du temps et ne sera jamais remplacé par la mise à disposition d’informations aussi utiles soient-elles.

« J’ai des informations stratégiques que je ne souhaite pas divulguer ».

C’est un des arguments qui freine la mise en place des nouveaux modes d’info-consult sur les orientations stratégiques.

Ici encore d’expérience, parler stratégie ne signifie pas « Dévoiler des secrets ». Et c’est peut-être ici qu’il serait bon de distinguer les informations sur les orientations stratégiques décidées à l’instant du débat et pour lesquelles il peut y avoir quelques éléments (au demeurant rares) qui sont délicats à communiquer et le dialogue favorisant l’anticipation.

L’exercice partagé d’anticipation pourrait être le berceau d’un dialogue profond et formateur pour tous.

Partager l’analyse du jeu concurrentiel, analyser les activités à risque dans un portefeuille, interpréter les événements en terme d’évolutions du marché, de position des entreprises concurrentes ou partenaires, disposer de scenarii possibles de reconfiguration, … constitue plus des opportunités de construire une carte de fond sur laquelle le dialogue prend appui.

Si les informations fournies par les entreprises et les bases de données pour les recevoir prennent alors tout leur sens c’est parce qu’elles permettent alors à chacun de trouver les informations qui viendront alimenter un dialogue de fond plutôt que de risquer d’être une caverne d’Ali Baba qui éblouit par sa richesse mais dont on ne sait pas forcément tirer tous les bénéfices

« J’ai peur de sortir du cadre».

Le cadre même contraignant peut être assez sécurisant car chacun sait ce qu’est la marche à suivre, ce que l’autre va faire ou comment il va se comporter. Les règles et les postures sont définies. Le cadre permet à chacun de jouer son rôle dans le tempo convenu et avec les comportements attendus. Il organise plus « la lettre » du processus de dialogue et peine à en porter « l’esprit » quelles que soient les volontés exprimées : parce que, particulièrement en France, le processus est complexe et d’abord juridique.De ce fait et de par l’histoire le dialogue social est souvent vécu comme l’application d’une somme de contraintes plutôt que comme une opportunité de construire une vision des avenirs possibles et aussi des compromis intéressants.

Le premier qui tente de sortir du cadre peut se sentir « à risques », risque de se compromettre, de se faire manipuler, de ne pas être suivi à terme par son organisation, sa hiérarchie, ses pairs ou par ses électeurs, …

Alors comment faire pour lever ces obstacles ? Concrètement comment intégrer une dose d’anticipation dans le dialogue social ?

Le succès de cette opération réside dans

  • Une conviction de part et d’autres qu’il y a un bénéfice à le faire
  • Une possibilité de se mettre en route sous forme de test, pour vérifier tout le bénéfice à en tirer
  • Un engagement à en faire le bilan

Ce faisant, il s’agit de faire confiance au dialogue et ouvrir de nouveaux espaces qui renforcent le sens des réformes négociées par les partenaires sociaux et donne de l’espoir pour la construction d’un dialogue social qui retrouvent des champs d’ouverture.

Et si l’on s’essayait sur le sujet du Digital : anticiper les profondes adaptations inhérentes à une transformation numérique : impact stratégique, conséquences sur les métiers et l’emploi, apparition de nouvelles formes de travail, évolutions des relations professionnelles, …

 

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